Je ne cesse d'être émerveillé par la pulsion artistique de l'être humain.
Cet émerveillement est souvent teinté de crainte ou d'effroi mais aussi d'une profonde attirance quand je suis confronté à l'Art Brut.
Attirance parce que l'Art Brut est l'expression de femmes et d'hommes qui n'ont pas été éduqués comme artistes, qui ne se revendiquent pas artistes mais qui produisent de l'art, comme un besoin vital, comme une réalisation naturelle de l'être humain.
Attirance parce que j'y vois le geste de l'homme préhistorique, notre lointain ancêtre, peignant dans une grotte sombre les animaux qu'il chasse.
Rend-il hommage à ses victimes passées ou futures, invoque-t-il quelque dieu ?
Je n'en sais rien, mais l'art s'expose déjà sur les parois de pierre.
Et depuis ces temps immémoriaux, l'être humain est un artiste.
Mais aussi crainte et effroi, car bien souvent, l'inspiration des artistes prend racine dans une folie, une histoire de vie douloureuse , le handicap physique ou mental.
Comme si l'art avait besoin d'une pâte humaine particulière, meurtrie, solitaire, rejetée, différente, comme matière première de sa création.
Cette pâte humaine, je l'ai retrouvée dans l'exposition "The Museum of Everything // Exhibition #1.1", comme je l'avais déjà rencontrée à la Halle St Pierre.
Je l'ai retrouvée chez Alexandre Pavlovitch Lobanov, russe sourd muet, fasciné par les armes et qui se représente, dans des dessins et des photographies d'une facture très soviétique, en tireur d'élite et héros de la Révolution.
Aleksander Pavlovitch Lobanov
Aleksander Pavlovitch Lobanov Art brut russe... par patrick_domage
Aleksander Pavlovitch Lobanov Art brut russe... par patrick_domage
Je l'ai retrouvée chez Felipe Jesus Consalvos, Cubain et rouleur de cigares, utilisant des étiquettes et des bagues de cigare comme matière première, pour réaliser des collages (souvent politiques et subversifs) ou décorer des instruments de musique.
Felipe Jesus Consalvos
George as Little Red Riding Hood
Je l'ai retrouvée chez Willem van Genk, artiste néerlandais, obsédé par les transports et les villes, qui réalise avec des matériaux de récupération des maquettes de tramways et d'autobus.
Willem van Genk
Je l'ai retrouvée chez Guo Fengyi, artiste chinoise qui pratiqua le qi gong pour lutter contre des crises d’arthrite aiguë et dessina des créatures éthérées, chamaniques, comme constituées de lignes d'énergie.
Fengyi Guo
Divinité des lettres, des athlètes et des arts martiaux, 1996
Photo ©2010 Elisabeth Berst
Je l'ai retrouvée chez ACM (nom d'artiste d'Alfred et Corinne Marie) et les délicates architectures, dentelles métalliques colorées, faites de pièces de machines à écrire et d'appareils électroniques comme des radios.
A.C.M
Sans titre (Architecture) 2008-2010
Je l'ai retrouvée chez Jean Perdrizet, ingénieur qui inonda les organismes scientifiques du monde entier (CNRS, NASA) de ses inventions improbables.
Jean Perdrizet
sans titre (Un robot ouvrier qui voit les formes par coupes de vecteurs en étoile)
Jean Perdrizet, Nobel de l'Art brut par universcienceTV
Je l'ai retrouvée enfin chez deux artistes, qui touchent particulièrement l'Oeil Curieux, photographe et fou de couleurs.
Chez Alan Constable, artiste australien, déficient visuel, qui modèle d'étonnants appareils photographiques en céramique.
Alan Constable
Sans titre (violet), 2008
Camera Obscura, 2010
Alan Constable
Sans titre, 2010
Sans titre, 2007
© The Museum of Everything
Chez Alfred Jensen, peintre abstrait qui développe dans ses tableaux d'ésotériques systèmes de numérologie et de couleurs.
Alfred Jensen
Remote Sensing, 1979
Copyright © 2004 Estate of Alfred Jensen
Cette pâte humaine, il vous reste deux semaines pour la découvrir Boulevard Raspail.
- "The Museum of Everything // Exhibition #1.1" à la Chalet Society jusqu'au 24 février 2013.
